Vélo de haute montagne : Le col du Jandri 3.151 mètres

neige sur le chemin du jandri 

La neige apparaît vers 3.000 m


Le compte rendu qui suit est paru dans La Revue de Audax n°573.
Le texte est reproduit intégralement sans aucune modification bien qu'à la lumiére de l'expérience acquise depuis cette date l'auteur aurait pu être tenté d'en améliorer à la fois le contenant et le contenu.



"...le véritable but des brevets d'Audax cyclistes est bien de préparer physiquement et moralement les participants à une endurance et à une régularité dans l'effort qui feront d'eux de parfaits cyclistes pouvant devenir de grands voyageurs..."

Bernard DEON
(Le Petit Livre Jaune des Audax - 1974)


                Depuis quelques années je m’étais dit qu’il serait intéressant de gravir, à vélo, les plus hauts cols de France. Comme chacun sait, l’Iseran (2.764 m) est le plus haut col goudronné de France. Ce n’est pas, tout à fait, la plus haute route puisque à partir du col de la Bonnette (2.715 m) une route fait le tour de la cime de la Bonnette et passe à 2.860 m. Pour aller plus haut en Europe, il faut aller en Andalousie au Pic de la Veleta à 3.470 m. Quant au plus haut col, montable à vélo, dans le monde il semble bien que ce soit le Khardung La (Inde), 18380 ft sur le panneau, soit 5.602 m. Fred Fechaux, entre autres, y a monté son vélo.
               En France, pour monter au-dessus de 2.800 m, il me fallait donc faire ce que les cyclos appellent du cyclomuletier. C’est à dire du vélo sur des chemins (ou sentiers) de terre ou de pierraille telle une mule. A l’occasion de l’ascension du col Agnel (2.744 m), j’avais été franchir le col Vieux (2.806 m) sur le GR qui fait le tour du Mont Blanc. Bien que ce soit le col de ma plus haute altitude, c’était loin des 3.000 m !
               Une lecture attentive du Chauvot m’avait fait voir que le plus haut col cyclable de France était le col du Jandri (3.151 m) au-dessus des Deux Alpes. Pour les non initiés, dont j’étais il n’y a pas si longtemps que cela, le Chauvot est le catalogue des cols de France. Il doit son nom à Robert Chauvot qui a recensé puis publié, dans le cadre du club des Cent Cols , le premier répertoire des cols de France. Depuis, la liste des cols est, continuellement, réactualisée. Cette mise à jour est publiée sur le site Web du club des Cent Cols et fait l’objet d’un additif annuel publié dans la revue du club. On dénombre plus de 9.000 cols en France mais guère plus de 5.000 montables à vélo.
             Me voici donc à rêver de monter le Jandri. C’est, incontestablement, la conquête de l’inutile. Mais pourquoi se priver d’un petit plaisir qui ne devrait pas nuire à ma santé ?

jandri

Au sommet, l'indication d'altitude
sur le panneau (3.200 m)
est vraiment optimiste...
ou arrondie...

          Depuis la mi-juin je consultais la météo locale pour voir à quelle date la route montant au Jandri serait dégagée de sa neige. La saison s’annonçant chaude, début juillet ce devrait être bon. Pour moi ce sera le 3 juillet. Donc me voici, après un court voyage en TGV, aux Deux-Alpes prêt à monter le monstre. Cette fois-ci, j’ai délaissé ma fidèle monture à roue de 650 pour le VTT de mon fils. C’est un peu plus lourd mais je pensais que le terrain était plus propice au VTT qu’au vélo de route, même équipé de pneus de 35 mm.
          Je vous passe une première erreur de parcours qui me fait perdre une petite heure sur une mauvaise route. La route du Jandri est la première à gauche quand vous rentrez dans la station de l'Alpe du Mont de Lans. Le premier kilomètre se fait sur le goudron avec une pente qui doit avoisiner les 10 %. Ensuite vient la terre battue. La piste est constamment bonne. Elle est peu fréquentée mais comme il y passe des camions de travaux elle est très stable et sans ornière. Comme je sais que la montée sera longue, 15 kilomètres pour 1.500 m de dénivelée, je n’hésite pas à mettre pieds à terre aussitôt que la pente, fortement inégale, devient plus sévère. Nous sommes dans une station de sport d’hiver et les remontées mécaniques entachent le paysage mais, au loin, le massif de l’Oisans est bien présent.

          A mi-parcours la pente s’adoucie dans la Combe du Thuit, puis la piste longe, presque à l’horizontale, le petit lac du Plan fréquenté par des pécheurs montés en 4X4. Puis, après une bonne grimpette, l’on arrive à la station intermédiaire du téléphérique. On peut s’y restaurer. Je ne me suis pas arrêté bien trop pressé d’arriver. Pourtant à ce moment il ne reste plus que 500 m à gravir. Je m’éloigne du trajet direct en faisant un petit détour au col des Gourses (2.550 m) qui est à portée de voix. De retour sur l’itinéraire, après une légère descente et le franchissement de quelques gués, la pente devient vraiment forte et la marche à pieds s’impose, de nouveau. La végétation a fait place à la roche mais la piste reste bonne.

               Nous sommes maintenant en haute montagne mais sans insécurité. De temps à autre je croise des VTT fusées. Ce sont des cyclistes qui montent en téléphérique et qui s’amusent à descendre le plus rapidement possible. C’est très spectaculaire. Ils sautent sur les bosses en faisant des vols planés de plusieurs mètres. Les derniers lacets sont durs. La neige apparaît aux environs de 3.000 m.
Elle n’est plus très propre mais elle est là. La température est proche de zéro mais j’ai chaud. Je me fais un point d’honneur à terminer les derniers mètres sur mon vélo mais c’est symbolique car il s’agit uniquement des derniers mètres …il faut dire qu’à plus de 3.000 m. les efforts sont de plus en plus difficiles et le rythme cardiaque s’est accéléré. Enfin, me voici à la plate-forme d’arrivée du téléphérique…Deux Vététistes en sortent : ils vont faire une belle descente et me prennent, sûrement, pour un fou d’être monté à vélo. Ils sont polis et n’en font rien voir…et même me félicitent dans un franglais méritant. Je dois bien avoir 40 ans de plus qu’eux
               J’entame ma descente après m’être bien couvert ( gore tex, gants de ski, cuissard long ). C’est à ce moment que j’apprécie le confort du VTT. Je n’arrive pas à descendre aussi vite que les jeunes gens que je viens de voir mais je m’amuse et je crois bien que de temps à autre mon vélo décolle du sol. La suspension avant m’est vraiment très agréable. Je retrouve des sensations de skieur. Peu après le lac du Plan je croise un cyclo qui monte. Il est belge et fait un petit repérage. Ce soir il ne monte qu’au lac. Il est équipé d’un vélo à pneus de 26 et il veut se rendre compte si l’on peut passer avec un tel équipement. Par temps sec c’est, probablement, possible. Comme il a de petits développements le problème viendra de l’adhérence! La galére sera la descente.
              Après quatre heures de sensations intenses me voici à mon point de départ et heureux : je suis monté à plus de 3.000 m à vélo. C’est, vraiment, des gamineries ! Mais pourquoi pas ?

Texte et photos de Dominique DESIR                                                                                                                                  Mise en page Patrice COTTIN




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