LE
BREVET DES PROVINCES FRANÇAISES : 540 SITES A VISITER
Le compte rendu qui suit
est
paru dans La Revue de Audax
n°525.
Le texte est reproduit intégralement sans aucune modification
bien qu'à
la lumiére de l'expérience acquise depuis cette date
l'auteur aurait pu être
tenté d'en améliorer à la fois le contenant et le
contenu.
Il fait bien chaud ce 5 Août. J’ai, enfin, atteint Cerbère . Quelques cols des Pyrénées Orientales et un petit tour en Espagne, pour l’anecdote, ont agrémenté cette balade méridionale . La terrasse, sur le front de mer, du restaurant « La Dorade » m’accueille. Cet établissement est recommandé par le guide de notre FFCT. On y mange bien mais, surtout, le tampon que ce restaurant va m’apposer sur ma carte de Brevet des Provinces françaises (BPF) est précieux. C'est le 540 ème d’une longue série. Il me permet de terminer mon BPF .
Pour mémoire, le BPF consiste à parcourir la France à vélo. Pour être certain de ne rien oublier, il a été désigné six points de contrôle par département donc 6*90=540 lieux à visiter . Il ne s’agit que de 90 départements car, au moment de la création du BPF, la région parisienne ne formait qu’un département ( La Seine ) ainsi que la Corse. Comme les points de contrôle ont été choisis en fonction de l’intérêt touristique vous pouvez, grâce au BPF, avoir une vision à la fois globale et exhaustive de ce qu’est la France. Belle France des montagnes et des plaines, belle France de la forêt et de l’agriculture - plus ou moins riche -, bonne France de la choucroute et du cassoulet, belle France de l’architecture gothique et romane, France de la brique et du tuffeau, belle France de l’ardoise et de la tuile, France où il fait bon vivre, manger, travailler, peiner et se reposer.
Pour arriver à finir le BPF il m’a fallu 25 ans de pratique régulière du vélo avec, presque, la même monture ... Avec mes roues de 650, mes gardes boues et mon éclairage fixe je suis atypique sur cette côte vermeille peuplée de cyclistes genre échappés du tour de France. Hier, dans la montagne, j’étais atypique parmi les VTTistes. Pour ma part, je passe partout et j’en suis fier. Il faut passer partout pour faire le BPF. Au niveau de la mer et à plus de 2000 mètres, dans les grandes villes ou par les chemins de terre. C’est le charme du BPF .
Mon plus bas niveau, pour un BPF, je l’ai atteint en passant le passage du Gois. Il permet de relier Noirmoutier à la France continentale. Quant au plus haut niveau il m’a fallu aller dans le Mercantour. Je peux, ainsi, vous conseiller une petite balade : Barcelonnette, Col de la Cayolle, Col de la Moutière, Col de la Bonnette, Saint Etienne de Tinée. Sensation et altitude garantie.
Des sites contrôles BPF j’en ai visités, c’est normal vu le nombre, dans toutes les circonstances. Sur 540 sites:
86 l’ont été au cours de brevets kilométriques : brevets AUDAX, randonneurs, cyclomontagnards, flèche velocio...,
123 au cours des flèches de France, centrionales et tour de département,
102 dans les diagonales de France ,
61 lors de mes déplacements professionnels,
28 en randonnées familiales,
140 au cours de balades personnelle organisée spécialement pour aller rejoindre un site BPF.
Mes débuts en brevets AUDAX, ville à ville principalement, m’ont permis de prendre mes premiers contrôles lointains : Paris-Brest-Paris puis Bordeaux-Paris et même, par la suite, Paris-Le Mont Ventoux et Paris-Barcelone. Avec l’accord des organisateurs, il m’est même arrivé de quitter le groupe pour m’écarter, pour cause de BPF, du trajet officiel. La première fois que je l’ai fait c’était dans Bordeaux - Paris AUDAX. Ainsi je me suis éloigné du groupe pour aller visiter le site BPF de Ruelle dans les environs d’Angoulême. C’était au cours du premier Bordeaux - Paris de 1978 ... Il a fallu que je cycle seul pendant 80 km jusqu’après Poitiers avant de rejoindre le groupe. Il pleuvait tellement que les motards de gendarmerie nationale qui nous encadraient n’arrivaient pas à piloter leurs motos. Il faut préciser que l’on ne distinguait plus la route des trottoirs tellement la hauteur d’eau était importante.
On peut même trouver des brevets AUDAX qui terminent sur site BPF.....Paris-Le Mont Ventoux ou Paris-Le Lautaret-Le Galibier par exemple. On éprouve un plaisir supérieur de partir de Paris pour aller apposer un tampon de ce type sur sa carte BPF .
En brevets randonneurs et même dans Paris - Le Puy de Dôme il m’est, également, arrivé de faire de petits écarts pour cause de contrôles BPF. Dans les années 70 on pouvait faire le 1000 randonneurs « à la carte » en solitaire. Je ne sais pas si c’est encore possible aujourd’hui. C’était bien pratique pour la chasse aux BPF. C’est ainsi que je suis parti de Blois pour atterrir à Foix via Villebois- Lavalette, Blanzac, Saint Emilion, Duras, Auvillard, Puy Laurens , Lacrouzette....j’en passe et des meilleurs car cela totalise 25 sites BPF.... C’était un petit entraînement pour Paris - Brest - Paris. Pour m’amuser j’ai fait cela en 70 heures. Comme la chasse au BPF n’est pas une fin en soit, j’en ai profité pour ramener plusieurs dizaines de photos et de perfectionner ma liste de cols. Quelques années avant j’avais expérimenté cette façon de faire : 12 contrôles BPF dont Perouge, Chazay d ‘Azergues, Montrottier et Yzeron ....au cours d’une flèche Velocio. Comme l’on est monté un peu en altitude dans les monts lyonnais nous avions rencontré la neige... normal à Pâques mais quand il reste 250 km avant d’arriver à Brantes (via Vaizon la Romaine) c’est autre chose.
Les flèches de France, les centrionales et tours de département sont généralement conçus pour passer par les sites BPF. C’est bien pratique et il n’est pas nécessaire de faire de détours des itinéraires pour atteindre les contrôles BPF. En faisant toutes les flèches et les centrionales vous pouvez cumuler plus de 120 contrôles. Je n’ai pas encore pratiqué les Relais de France mais la moisson doit pouvoir être conséquente.
En ce qui concerne les diagonales, le postulant fait son parcours lui-même. Pour être sûr de passer par le maximum de site BPF j’avais, en son temps, repéré tous les B.P.F. sur une carte de France . Maintenant la FFCT a édité une carte de ce type. Ce document est indispensable pour être certain de ne pas passer à coté d’un lieu de contrôle sans le savoir. Quelque soit la méthode choisie, pour arriver au bout des 540 contrôles BPF il faut bien s’organiser.... Il arrive d’avoir plus de 70 cartes de contrôle en chantier en même temps.
Lorsque l’on part en diagonale le nombre des cartes peut être un obstacle . C’est une histoire de poids et d’encombrement. En effet, sur une seule diagonale il n’est pas rare de traverser plus de 10 départements. Si vous faites plusieurs diagonales de suite cela multiplie la difficulté. Une des solutions consiste à prendre des photos....D’abord les cartes d’homologation sont beaucoup plus belles ( voir ci-dessous ), ensuite cela fait de meilleurs souvenirs. Depuis quelques années on trouve de très petits appareils photos qui tiennent facilement dans la poche de maillot. Il vous suffira donc pour être homologuer de poser votre vélo devant le panneau d’entrée ( ou de sortie suivant le sens du soleil ) et d’en prendre une photo.
Les BPF en diagonales sont très valorisants : passer à Gréolieres ou à la Turbie en venant de Brest procure saine joie: 1400 km pour atteindre un contrôle. On peut se dire que l’on ne l’a pas volé.
Certains sites BPF sont très éloignés de mon domicile (région parisienne) . Il faut donc libérer du temps et faire de la route. Les diagonales sont, selon moi, un excellent moyen: beaucoup de sites en peu de temps. Au cours du Brest - Menton j’ai pu ainsi visiter en 5 jours 18 sites.
Une autre méthode,
complètement opposée, est le cyclotourisme familial. Avec
ma femme et nos 3 garçons, nous sommes partis plusieurs fois une
dizaine de jours en itinérants autonomes. La première
fois nous avons fait le tour de Corse. Le petit avait, à ce
moment, 9 ans. Il en a, maintenant, 27. Il se souvient , comme si
c’était hier, du Col Saint Georges. D’ailleurs nous
nous en souvenons tous. Je ne sais pas si c’était lui ou
ma femme qui a le plus souffert. Maintenant cela fait de bons
souvenirs. Le tour de Corse m’avait permis de faire tous les
contrôles BPF de Corse
et d’obtenir le Brevet Cyclotourisme National ( BCN ). Le BCN est
le petit
frère du BPF avec un seul contrôle par département
... j’ai , quand même
mis six ans pour le réaliser. Pendant quelques années ,
nous avons continué
à raison d’une dizaine de BPF par an . Cela nous a
donné du goût à cet exercice
. Par la suite nous partions plutôt à
l’étranger. On s’éloigne des BPF mais je vous
recommande l’Irlande à vélo. Il faut,
évidement , ne pas avoir peur de la pluie . L’office de
tourisme irlandais peut même , sur simple demande et sans
supplément de prix , la garantir presque tous les jours.
Egalement garantie de magnifiques paysages et gentillesse des irlandais.
Je me suis , au cours de cette ballade irlandaise, amuser à un
petit jeu : aller gravir le « Windy Gap » (traduire par le
col venteux). Après le col des tempêtes - juste au dessous
du Mont Ventoux - que j’avais gravi un mois auparavant et le col
des treize vents - au nord de Bédarieux - , cela
s’imposait.
Autre façon d’aller conquérir des BPF: mes déplacements professionnels. J’ai la chance d’exercer un métier qui me permet de (on pourrait dire m’oblige à ) me déplacer souvent. Les soirées sont parfois longues. Un peu de distractions cyclotouristiques font rapidement oublier les soucis. C’est ainsi que j’ai pu visiter, à vélo, les environs de Marseille, Nantes, Toulouse...Il m’est même arriver d’effectuer des déplacements professionnels à vélo. Imaginez la tête de mon chef lorsque je lui ai annoncé que j’en avais ras le bol d’aller à Gênes (Italie) en avion et que je préférerais y aller à vélo. Bon prince, il m’a dédommagé du montant d’un billet d’avion (en fait, c’était le client qui le payait !) et j’ai pris 4 jours de vacances pour aller à Gênes ...Cela fait, quand même, 1100 km par Autun, Chambéry, Le Galibier et Sestriere. Encore 8 nouveaux BPF en poche et la flèche Paris - Briançon au passage. Et, en plus, des tas de bons souvenirs et quelques histoires à raconter aux collègues et une réputation, à assumer, de cyclo fou.
Une fois avoir
épuisé toutes les recettes banales pour conquérir
les BPF il a bien fallu que j’aille cherché
spécialement certains sites. J’ai employé plusieurs
méthodes.
La plus noble et la plus dans l’éthique cyclotouriste
était d’organiser des voyages itinérants regroupant
un grand nombres de sites BPF. C’est ainsi, entre autre, que je
suis allé de Nancy - que j’avais atteint en train - au col
de Porte (23 sites contrôlés) puis une autre fois de
Quimper à Dinan via la Pointe du Raz......
Le Hourdel : Au cours du Tour de la Somme |
Montreuil Bellay (Maine-et-Loire) : en Diagonale |
Montfaucon (Meuse) : en voyage itinérant |
La moins noble consistait de m’approcher en voiture des sites pour aller effectuer des ballades soit en étoile autour de mon point de chute, lorsqu’il y avait plusieurs BPF dans les environs, soit des boucles lorsqu’il y avait 1 seul BPF. Combien faut-il de kilomètres pour, moralement, considérer le contrôle valable ? Je m’étais donné une règle : ne jamais avoir mon point de départ dans le département du contrôle. Il faut dire que cette règle appliquée de façon absurde conduit à des absurdités. On peut très bien faire moins de 10 km pour aller visiter des lieux lorsqu’ils sont situés (c’est souvent le cas) à la limite du département. Comme, d’une manière générale on ne va pas dans une région pour prendre un seul contrôle, ce cas est rare et je n'ai jamais fait aussi peu de kilométres pour prendre un BPF. Je m’étais , également , fixé comme règle : ne jamais faire valider un BPF lorsque la nuit était tombée...C’est le règlement. Il ne faut cependant pas être obtus : contrôlé à 19 heures au mois de Novembre n’est pas un crime puni par la loi de Sainte FFCT. Avec cette règle il m’est arrivé quelques aventures. La plus fameuse est celle que j’ai vécu dans le Mont Ventoux. Au cours d’un déplacement professionnel à Avignon, un soir de juin, j’avais imaginé de monter le Mont Ventoux. Je m’étais trouvé un bel itinéraire : Saulx, Brantes, la face nord du Mont Ventoux par le col de Comte puis retour Saulx pour rejoindre ma voiture de location . J’ai perdu un peu de temps dans la montée. Ainsi j’ai atteint le sommet dans la nuit...Il était plus de 23 heures : les militaires, les marchands de carte postales, et le chalet Renard étaient, bien sur, en sommeil. Mon appareil photo n’avaient pas de flash. Pas de contrôle possible. J’ai donc monté le Mont Ventoux une deuxième fois. C’était à l’occasion de l’inauguration de la stèle à la mémoire du Gaulois. C’était naturel que j’y sois. Tout d’abord parce que Pierre Kraemer m’avait accompagné dans de nombreuses épreuves AUDAX, que ce soit à vélo, à la marche, à la natation et , pour finir, à la rame. Il m’a convaincu d’être AUDAX complet. Ensuite parce qu’avec un certain nombre des membres de l’UAF ( et des autres amis) j’avais participé au financement de sa stèle. Donc finalement, je dois mon BPF du Mont Ventoux au Gaulois ...Une consolation, pour lui, qui doit être au paradis des cyclos.
Pour terminer cette rubrique sur les ballades établies spécialement pour aller prendre des BPF je tiens à évoquer un point. Il concerne les tricheurs et les dénigreurs de tricheurs . Les gens qui trichent - ils existent - ne trichent qu’avec eux-mêmes. Le BPF est un jeu. L’intérêt est de pouvoir parcourir de beaux paysages, peiner plus ou moins agréablement dans la montagne, écouter le vent dans les arbres, sentir la terre mouillée après la pluie, entendre le blé craquer sous le soleil de l’été, admirer des monuments, avoir froid, avoir chaud....Enfin vivre et emmagasiner des souvenirs . Si vous voyez quelqu’un pointer un BPF en sortant ou en montant de sa voiture, gare au jugement ! Il m’est arrivé en sortant d’une gare , mais aussi de ma voiture de pointer un BPF. Aucun sentiment de culpabilité lorsque , par exemple, j’ai fait Nancy - Le col de Porte et que ma femme était venu me chercher en voiture au sommet du col après plusieurs journées remplies de BPF et 1000 km parcourus. Sur 540 BPF, il m’est arrivé d’en pointer une grosse dizaine à l’arrivée ou au départ du train ou de la voiture.....Obligatoire lorsque l’on se déplace en transport en commun et que le site est une grande ville. Autre exemple. Je suis né à Paris, j’ai fait des milliers de kilomètres dans Paris ( je dis bien des milliers car, longtemps, j’allais au travail à Paris à vélo). Je n’aurais eu aucun sentiments de culpabilité (je ne l’ai pas fait) de pointer mon BPF de Paris en y allant en métro. Il y a des pratiquants des BPF qui ont effectués tous les contrôles en partant de chez eux . Je leur rends hommage. Patrick Plaine ( inventeur des centrionales , mainteneur des 40 heures Velocio ... ) est dans ce cas, il a mis 27 ans pour faire son BPF. Il s’est refusé à cumuler ses contrôles BPF avec un quelconque brevet kilométrique et consacrait le temps qu’il faut à la visite touristique.
Après 540 sites
visités et plus de 50.000 km consacrés au BPF on sait que
la France est belle. Faut-il faire cela pour le savoir ?
Peut-être pas! Mais la tête du cyclotouriste s’est
remplie de souvenirs; Il acquiert ainsi une connaissance remarquable de
la géographie.
Pas dans un livre, mais en voyageant. La géographie revêt
diffèrent aspect . On pense, immédiatement, bien
évidement sur au relief : les monts et les vaux . Il ne faut pas
oublier l’architecture, la végétation, la
gastronomie et , bien sur, les hommes. Un village de Provence ( Gordes,
par exemple ) n’a rien à voir avec un village des Ardennes
( Monthermé, autre exemple ) . Regardez les pierres, les toits,
les plantes mais n’oubliez pas de goûter à la
cuisine locale, le vin, l’eau et d’écouter les
habitants... et pas seulement l’accent. Le BPF ne se fait pas,
seulement avec les jambes. Les cinq sens sont mobilisés, pour
leur plus grande joie et leurs meilleurs souvenirs.
|
|
|
Les cartes de BPF avec des photos